Archivo | julio, 2015

La vérité cachée_GRECE : RÉPONSES À VOS PRINCIPALES QUESTIONS -9-

19 Jul

LE 13 JUILLET, EN SIGNANT L’ACCORD, TSIPRAS N’A PAS EU LE CHOIX : IL ÉTAIT ACCULÉ PAR L’EMBARGO MONÉTAIRE, LES HEURES TOURNAIENT ET L’ÉPUISEMENT L’AFFAIBLISSAIT, SEUL FACE À UNE VINGTAINE D’ADVERSAIRES. NE DOIT-ON PAS SE METTRE À SA PLACE ET LE COMPRENDRE ?

Je suis désolé, mais, C’EST FAUX.

Même si l’embargo monétaire a été précédé d’autres pièges successifs qui ont eu l’effet d’un « nœud coulant », il ne faut pas se raconter d’histoire. La situation est trop grave pour abandonner également notre lucidité.

D’abord tout cela était parfaitement prévisible. La confrontation idéologique était parfaitement annoncée, y compris dans les tentatives de la troïka (Hollande et Moscovici inclus) de faire perdre les élections à Syriza en juin 2012, puis et en janvier 2015.

Ensuite, Tsipras n’a pas été élu la semaine dernière, ni il y a un mois. Cela fait six mois qu’il était urgent d’agir, à la fois pour des raisons sociales, et notamment humanitaires (300 000 personnes encore très vulnérables), mais aussi politiques, financières et monétaires. Pourtant, au grand dam de beaucoup de gens, dont Manolis Glézos et Stathis Kouvélakis qui ont interpellé à plusieurs reprises Tsipras sans véritable réponse, les échéances de la dette ont continué à être payées alors que la Grèce ne recevait plus la moindre aide depuis août 2014 ! Les caisses se sont vidées au point de prendre l’argent sur les comptes sociaux (sécurité sociale, fonds complémentaire retraite sociale, etc.), ce qui est extrêmement grave et qui signifie déjà une forme d’abus de pouvoir ou, pour le moins, une stratégie très discutable.

Autrement dit, Tsipras a vu les caisses se vider, le piège monétaire se refermer progressivement en six mois, sans jamais oser quelque chose.

Ou plutôt si : une chose et une seule. Tsipras a passé six mois à essayer de négocier à un ou deux contre vingt ou quarante, en se laissant tapoter la joue par Junker et en forgeant lui-même la chaîne aujourd’hui représentée par la mise sous tutelle de la Grèce et dans la vente massive de son bien commun.

De même, Tsipras n’a pas toujours été épuisé pendant ces six mois. Il aurait pu consulter paisiblement d’autres personnes que ses cinq mauvais conseillers et certains ministres, anciens responsables du Pasok et de la commission européenne à l’influence douteuse.

Tsipras aurait pu, par exemple, accorder un peu de temps aux analystes de la plateforme de gauche de Syriza qui, en tout et pour tout, se sont retrouvés face à un mur. Idem pour Eric Toussaint et la commission pour l’audit de la dette grecque qui a eu essentiellement comme interlocuteur Zoé Konstantopoulou, la président du parlement, mais quasiment jamais Alexis Tsipras, excepté durant la présentation du rapport préliminaire le 18 juin, mais sans véritable débat et encore moins de suites. Mieux encore, il aurait pu rencontrer un peu plus la population, favoriser des initiatives démocratiques à diverses échelles, participer à des assemblées, consulter un peu plus autour de lui, débattre au-delà des sentiers battus. Mais il ne l’a pas fait. Aux dires de beaucoup de témoins, il a eu tendance, de plus en plus, à s’isoler, principalement avec ses conseillers et 3 ou 4 ministres (devinez lesquels).

Par conséquent pouvait-on espérer un autre résultat que la catastrophe de cette semaine ?

Il est donc faux de dire que Tsipras ne disposait que de quelques heures ou jours, ou qu’il était acculé à Bruxelles. Cela fait bientôt six mois que Tsipras est arrivé triomphalement au pouvoir, avec le programme de Thessalonique sous le bras et une opinion publique sans précédent. Le problème n’est pas ce qui s’est passé cette semaine ou ce mois-ci, mais ce qui s’est passé (et pas passé) depuis six mois au pouvoir.

Ma conclusion sera donc la suivante : Tsipras a-t-il vraiment cru qu’il y avait une (ou plusieurs) alternative(s) ?
– si oui, vu les circonstances (urgence sociale et humanitaire, état de grâce politique, affaiblissement financier et piège monétaire), pourquoi n’a-t-il pas osé, durant six mois, au lieu de faire, au final, un virage libéral (pour 3 ans) et de mettre la Grèce sous la tutelle de la troïka.
– si non, n’aurait-il pas fallu, dans ce cas, appeler Syriza « PS » ou « UMP » ? Car si on ne voit pas d’alternative, autant arrêter de se prétendre antilibéral.

Désolé d’être rude, mais disons les choses franchement. Tsipras a semblé chercher quoi faire pendant six mois, tout en accumulant les erreurs :
– continuer à payer les échéances de la dette ;
– rester dans le piège monétaire ;
– s’isoler avec des conseillers et des ministres modérés et rétifs aux initiatives ;
– ne pas profiter d’Eric, Stathis et tant d’autres ;
– aller se coincer dans la souricière du sommet européen et signer, au final, la soumission politique de la Grèce et sa mise en vente.

Et on vient me dire ensuite qu’il n’avait pas le choix ? Est-ce sérieux, les ami-e-s ?

Faire d’ores-et-déjà un premier bilan me semble indispensable.
Surtout, suite à :
1- la signature de l’accord lundi matin ;
2- le refus de l’accord par le comité central de Syriza ;
3- l’intervention télévisée de mardi ;
4- le vote au parlement de mercredi soir ;
5- le remaniement d’hier.

Au plus tard mercredi 22 juillet, le Code de Procédure Civile devra être adopté (prévu dans l’accord), ce qui signifiera la multiplication des liquidations et des expulsions de familles en difficultés, comme en Espagne.

Soit on en fait un tabou, soit on en parle. Ceux qui s’amuseront à en faire un tabou auront clairement choisi leur camp : celui de la collaboration.

Par by Yannis Youlountas ( Merci à blogyy )

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Une affiche de Syriza, il y a deux ans :
« PRENONS NOS VIES EN MAINS
POUR NE PLUS VIVRE COMME DES ESCLAVES »
On est loin du compte.

GRÈCE : DEMAIN, QUAND VOUS VOUS RÉVEILLEREZ, PEUT-ÊTRE TOUT CELA N’AURA ÉTÉ QU’UN CAUCHEMAR ?

16 Jul

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32 NON, 8 présents (abstentions) et 2 absents. SYRIZA vient de passer de 149 députés à 109 seulement (qui sont prêts à appliquer cette politique ultra-austéritaire et à vendre massivement le bien commun).

Cependant, la peur a marché. Les menaces n’ont pas manqué. Peu de gens le savent, mais chaque député de Syriza a signé un document dans lequel il s’engage à respecter la ligne de sa majorité. La clause sera-t-elle vraiment utilisé ? Les ministres opposés seront-il remplacés ? Et Zoé ? Et Varoufakis ? Non, lui, il s’en fiche : « ministre no more ».

Quand on fait les comptes, on voit que Tsipras a fait le plein à droite et pas à gauche. Qu’il aura besoin d’elle tout le temps désormais, car le Pasok et le Potami n’y suffiront pas, vu la chute de la majorité précédente.

Ne faisons pas de détours, regardons la vérité en face : nous venons d’assister à l’une des plus rapides et spectaculaires volte-face de ces dernières années, au service d’une politique totalement contraire au programme électoral du 25 janvier et au OXI du 5 juillet.

La Grèce est donc mise sous tutelle. A la vue du fond comme de la forme de sa victoire, Tsipras est devenu en un soir le chef de l’opposition. C’est-à-dire le nouveau leader des libéraux.

Bonne nuit à tous.

Demain, quand vous vous réveillerez, peut-être que tout cela n’aura été qu’un cauchemar ?

Y.Y.

La vérité cachée_Les mille et un mensonges de la « crise grecque »

1 Jul

Les mille et un mensonges de la « crise grecque »

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Tous les jours, c’est le feuilleton de la crise grecque qui est servi aux peuples du monde comme si cette économie minuscule, d’un pays dont les dettes représentent une part infime de celles de la planète, la faisait trembler sur ses bases…

La rupture de paiement de la Grèce, la sortie de la Grèce de l’euro ou de l’Europe, sa liaison avec la Russie, son refus des sacrifices, tout cela est présenté comme des tremblements de terre alors qu’il ne s’agit que de tout petits faits divers à l’échelle planétaire…

La crise grecque est un révélateur à bien des égards des mensonges du système parvenu à ses limites et qui tente de faire durer la transition pour en détourner les risques sociaux explosifs. Elle vient d’être révélatrice pour l’Europe que l’on avait présentée comme une protection en cas de crise. On constate qu’il n’en est rien. Et on constate surtout que les classes dirigeantes nationales et les Etats tiennent à souligner cela pour blanchir les classes dirigeantes de leurs propres responsabilités. Dans la « crise grecque », chacun accuse soit l’Etat grec soit les Etats européens mais personne n’accuse ni les classes dirigeantes capitalistes grecques ni celles d’Europe ni les autres et pourtant nous allons voir que ceux qui ont détourné l’argent public sont des capitalistes privés, grecs comme non grecs, européens ou non européens…

Elle est également révélatrice pour l’ensemble du système capitaliste qui est tellement au bord du gouffre qu’il peut craindre de l’effondrement grec un effet papillon de grande ampleur…

Mais, si crainte il y a du côté des classes dirigeantes à l’égard de la Grèce, c’est surtout celle des réactions sociales et révolutionnaires du peuple travailleur grec et pas celle des réactions du gouvernement bourgeois de Tsipras !

Il faut reconnaître que les protagonistes principaux, parmi les gouvernants, c’est-à-dire Tsipras, Juncker, Merkel et Hollande jouent à ce qu’ils appellent eux-mêmes un « poker menteur » à propos de la partie de bras de fer qui oppose l’institution européenne aux nouveaux gouvernants grecs issus de la victoire électorale de Syriza qui tentent de contester le niveau trop élevé des sacrifices qui sont imposés au peuple grec et une partie du recouvrement des dettes de la Grèce.

Mais ce jeu de poker menteur est loin d’être le seul et le principal des mensonges de cette prétendue affaire grecque !

Tout d’abord, il convient de préciser qu’il n’y a, à proprement parler, aucune « crise grecque », car l’essentiel des trous en question a été produit par des banquiers, des financiers, des trusts et des bourses pour l’essentiel non grecques, qui ont misé et gagné sur les dettes, les ont produites, les ont aggravées, les ont cachées, les ont couvertes, les ont dénoncées avant de se faire rembourser de leurs mises par les Etats européens et les fonds européens (ou le FMI)…

Ce n’est pas le peuple grec, ni les services publics grecs, eux qui sont obligés de payer les frais de la dette, qui ont bénéficié des « aides européennes » mais essentiellement les banques et capitalistes européens, et aussi les banques et capitalistes grecs. Mais personne ne leur dit de rembourser quoique ce soit ! Les seuls qui paient la prétendue « crise grecque » sont les travailleurs et les milieux populaires, les seuls qui n’avaient nullement exploité les arnaques des gouvernants, les aides de l’Europe ni les diverses mannes financières.

D’ailleurs, en fait d’ « aider la Grèce », comme le prétend Hollande la bouche en cœur, l’Europe l’a fait comme l’usurier « aide » une personne en difficultés financières, c’est-à-dire en lui permettant de faire face dans l’immédiat à ses dettes mais en les aggravant, en y rajoutant les intérêts des prêts puis des intérêts des prêts pour payer les nouvelles dettes aggravées et ainsi de suite. Aucun prêteur n’a jamais tiré d’affaire quelqu’un qui était endetté ! D’autant que plus la dette s’aggrave plus les taux des prêts deviennent élevés ! Plus les spéculateurs font aussi s’effondrer l’économie, rendant encore plus impossible de sortir du trou… Ce qui fait que, plus les plans d’austérité sont réalisés, plus il en vient d’autres, et plus la dette s’accroit…

Mais à qui ces prêts servent-ils ? Pas au peuple grec qui les paie de plus en plus cher ! Pas au développement économique qui s’effondre de plus en plus ! Seulement au remboursement des prêts précédents avec comme résultat d’augmenter sans cesse le total des dettes au nom de… la nécessité de les réduire !!! Se plaindre que la Grèce serait trop endettée est non seulement ridicule de la part d’Etats bien plus endettés, mais est aussi indécent de la part d’Etats qui continuent de lui prêter, l’enfonçant encore plus dans les dettes….

La dette grecque, depuis la fin de l’année 2009, fait la Une de l’actualité et le casse-tête des chefs d’États de l’UE. Elle fait chuter également les bourses. Pas parce qu’elle serait particulièrement en crise (ce n’est pas la Grèce qui a créé la crise de 2007). Pas parce que son Etat serait particulièrement endetté (une peccadille devant les dettes publiques et privées mondiales). Pas parce qu’il aurait fallu sauver en soi, ce pays dont l’économie ne représente que 2 % de celle de l’UE, mais parce qu’il fallait sauver les grandes banques françaises et allemandes fortement investies dans sa dette, et parce qu’il fallait protéger la zone euro d’un éventuel éclatement ou d’un coup de panique de la finance face à une déclaration de faillite. Mais si l’UE, avec l’aide du FMI, n’a pas lésiné sur les moyens financiers prétendus « d’aide à la Grèce », elle n’a pas non plus lésiné sur les mesures à imposer à la population grecque, avec plusieurs plans d’austérité successifs suscitant à chaque fois grèves et violentes manifestations de rue. Quant aux financiers prêteurs à la Grèce, ils obtenaient la montée en flèche des taux d’intérêts qu’ils convoitaient, et leur garantie par l’UE, du moins pour un temps. De quoi rendre ces prêts plus attractifs et rentables. Les maillons faibles devaient continuer à rapporter gros.

La situation de la Grèce n’est pas vraiment aussi particulière qu’on le prétend. C’est toute l’Europe du Sud (Espagne, Italie, Portugal, Chypre…) et toute l’Europe de l’Est qui sont plombés et chutent dans les dettes.

Lorsque l’Europe prétend s’indigner que la Grèce refuse de payer ses dettes, elle ment. Elle les a payées depuis belle lurette ou, plus exactement, elle les aurait déjà payées si les dettes n’engendraient pas les intérêts de la dette, puis le paiement des intérêts des intérêts… et que les taux d’intérêts n’augmentaient pas en permanence… Chaque euro emprunté par la Grèce finit par lui coûter un euro et demi, deux euros et même plus…

Mais là encore nous en sommes dans la partie immergée de l’iceberg du grand mensonge….

Car il n’y a vraiment rien de « grec » dans cette crise qui n’est même pas, à l’origine, une crise de la dette publique, ni même des dettes privées et qui n’est même pas une crise au sens classique de crise cyclique du capitalisme.

Dans les crises classiques qui rythmaient le développement du capitalisme et où se succédaient récession et reprise, la crise permettait au système de se purger en se débarrassant de quelques entreprises, industrielles, commerciales ou bancaires, qui le plombaient. Leur faillite éclaircissait l’ambiance économique et le système repartait de plus belle, avec un dynamisme retrouvé.

Il n’en est rien aujourd’hui, depuis 2007. Il n’est plus possible pour les classes dirigeantes de laisser une seule grande banque, un seul trust, une seule grande assurance, n’importe où sur la planète, faire faillite sans risquer de mettre en péril l’ensemble du système.

C’est cela la totale nouveauté du capitalisme depuis 2007 : une crise qui a été interrompue, une crise qui n’a pas pu aller à son terme. Et du coup, un capitalisme qui ne dispose plus de son seul mécanisme d’autorégulation systémique…

Mais la cause est bien plus grave qu’une défaillance du système. Cela n’a rien de technique. C’est une crise liée aux fondements même du capitalisme. C’est le mécanisme d’accumulation du capital privé qui est en panne ou plutôt qui a atteint ses limites. Et c’est cela qui est cause que les classes dirigeantes du monde conviennent de ne plus jamais laisser une trop grande entreprise chuter, être en faillite.

C’est bien significatif que le seul chantage efficace de Tsipras consiste à dire qu’il va laisser la Grèce faire faillite… Car il se demande si les classes dirigeantes du monde ne vont pas estimer que la Grèce est « too big to fail », trop grosse pour qu’on laisse faire faillite auquel cas les institutions financières planétaires, que cela leur plaise ou non, devront sauver la Grèce et même annuler partiellement ou totalement ses dettes… Pour éviter la chute générale… On a bien vu la Russie pratiquer le même chantage : si je chute, tout le monde capitaliste chute !!!

Qui a profité de la dette grecque ?

La Grèce doit 1,5 milliard d’euros au FMI. Qu’elle rembourse ou pas, le pays devra faire face à d’autres échéances très importantes cet été. Notamment, le 20 juillet, cette-fois-ci à la BCE (3,5 milliards). En tout, la dette grecque atteignait 312 milliards d’euros à la fin du premier trimestre 2015. Cette somme astronomique représente encore 175% de son PIB (le PIB du pays à fin 2014 était de 179 milliards d’euros).

D’où vient cette dette ?

Quadruplant pendant la dictature des colonels entre 1967 et 1974, elle a continué à croître par la suite à cause de l’importance des dépenses militaires (4% du PIB, contre 2,4% en France) dont les entreprises européennes d’armement ont été les grandes bénéficiaires, des dépenses somptuaires, pour la plupart inutiles, des jeux olympiques de 2004, de la corruption généralisée des classes dirigeantes et de l’impossibilité de faire payer l’impôt aux plus riches, parmi lesquels l’Église orthodoxe et les armateurs.

La croissance de la dette depuis la crise est le produit de l’effet combiné des cures d’austérité, qui ont plongé le pays dans la dépression, et de la spéculation financière qui fait exploser les taux d’intérêt. En 2009, avant même l’éclatement de la crise de la dette grecque, les banques se refinançaient auprès de la Banque centrale européenne (BCE) au taux de 1 % et prêtaient à la Grèce à 6 %, ce taux passant même à 12 % début 2010. Salué par la plupart des commentateurs, le retour de la Grèce sur les marchés financiers en avril 2014 s’est traduit par un emprunt à un taux de 4,75 % alors que le taux de refinancement des banques était de 0,25 %. Conséquence : la dette est passée de 113 % du PIB en 2009 à 174 % aujourd’hui et se monte à 319 milliards d’euros et ce, malgré une timide restructuration en mars 2012.

Avant la restructuration de mars 2012, la dette grecque était détenue à 57 % par des investisseurs privés. Aujourd’hui, la situation est tout à fait différente. L’essentiel de la dette grecque est détenu par des créanciers publics : prêts bilatéraux des États européens 53 milliards d’euros ; FESF : 141,8 milliards ; FMI : 32 milliards ; BCE : 27,7 milliards ; créanciers privés : 44 milliards d’euros.

Cela signifie que les Etats et les banques centrales sont intervenus non pour sauver la Grèce mais pour sauver les investissements spéculatifs privés hasardeux en Grèce, donc pour sauver leurs propres capitalistes privés.

Les aides à la Grèce n’ont servi essentiellement qu’à payer les intérêts de la dette. Ce faisant, elles ont contribué à augmenter le montant total de la dette et à enfoncer le pays… Ces « aides » ont été conditionnées par l’application de plans d’austérité et de réformes structurelles qui ont plongé le pays dans la dépression. Le PIB a ainsi diminué de 25 % en cinq ans, ce qui a contribué à augmenter le ratio dette/PIB. La Grèce a été ainsi prise dans une spirale mortifère. Obligée de faire appel de nouveau à l’aide européenne, elle a dû subir de nouveaux plans d’austérité qui n’ont fait qu’aggraver la situation. Ces aides ont d’ailleurs permis aux prêteurs de s’enrichir sur son dos : ils ont emprunté sur les marchés financiers à un taux relativement bas pour prêter à la Grèce à un taux nettement plus élevé. C’est notamment le cas de la France qui a prêté 40 milliards d’euros à la Grèce dans le cadre de prêts bilatéraux ou par l’intermédiaire du FESF. Bref, l’aide à la Grèce a surtout aidé ses créanciers.

D’après Angela Merkel, de 2001 à 2004, la banque d’investissement Goldman Sachs a gagné -au minimum- 150 à 220 millions d’euros en aidant la Grèce à dissimuler une partie de ladite dette. Pendant qu’elle «conseillait» le gouvernement grec, la banque a aussi incité ses clients (notamment des hedge fund) à spéculer via des produits dérivés de dette (les CDS pour Credit Derivative Swap, une copie des Credit Default Swaps4]), sur la crise grecque. Plus le risque d’effondrement du pays est important, plus les bénéfices peuvent être importants. C’est en partie ce qui a créé la crise subprime, d’ailleurs.

Ainsi, l’américaine Goldman Sachs, première banque d’affaires mondiale, qui a profité de l’éclatement de la « bulle » des crédits immobiliers aux États-Unis pour éliminer ou racheter des concurrents en empochant d’énormes dividendes. Elle a été mise en cause publiquement parce que, dans la crise grecque, elle joue sur plusieurs tableaux à la fois : comme conseillère du gouvernement grec dans sa recherche de financements et comme une des principales bénéficiaires de la tempête qui secoue les finances grecques, via plusieurs de ses fonds spéculatifs. Fin janvier, Goldman Sachs aurait ainsi transmis à la bible des milieux d’affaires internationaux, le Financial Times, l’information – mensongère – selon laquelle Athènes avait échoué à placer 25 milliards de dollars d’obligations en Chine. Le gouvernement grec eut beau démentir, la publication de cette « nouvelle » porta un nouveau coup à la crédibilité de l’État grec auprès des prêteurs internationaux, qui en profitèrent pour relever le niveau de leurs exigences. Par le biais de filiales et de hedge funds liés à elle, Goldman Sachs rafla ainsi un paquet de milliards pour elle-même et ses clients sans que cela lui coûte autre chose que d’avoir répandu une fausse nouvelle. Surtout, on vient d’apprendre comment la même banque d’affaires avait, en 2002, aidé le gouvernement grec d’alors à camoufler une partie de sa dette publique, afin que celle-ci semble respecter les critères dits de Maastricht d’adhésion à l’Union européenne. Non seulement Goldman Sachs en profita pour empocher, au titre du service rendu, une rémunération de près de 300 millions de dollars pour un milliard camouflé sur dix empruntés, mais elle y gagna de ne rien ignorer de l’état réel des finances de l’État grec – un avantage précieux pour qui spécule sur les besoins de financement de cet État (et d’autres, Goldman Sachs ayant agi de même avec l’Italie, par exemple).

Tout un symbole, l’un des conseillers du Premier ministre Valls est Matthieu Pigasse, directeur de la banque d’affaires Lazard France. Présenté par les grands médias comme un sympathisant socialiste, l’homme s’est enrichi grâce à la dette de la Grèce.

Les comptes de Lazard ont bondis en 2012. Un rebond largement dû à la Grèce, qui a versé une commission record de 25 millions d’euros à la banque du boulevard Haussmann.

Ensuite, ces deux États et leurs banques en savent long, et depuis longtemps, au sujet de la dette grecque. Et pour cause ! les banques françaises et allemandes, au premier rang desquelles la Dresdner Bank et le Crédit Agricole, détenant, à elles seules, 30 % du total de la dette publique grecque. Et pas par bonté d’âme ni par solidarité européenne mais bien pour le profit qu’elles en ont retiré, plombant toute l’économie grecque et l’empêchant de se redresser.

Quant aux sept pays les plus riches de la planète, ceux du G7 (États-Unis, Japon, Allemagne, Grande-Bretagne, France, Canada et Italie), ils cumulent l’équivalent de 22 000 milliards d’euros de dettes publiques. C’est cent fois plus que celle de la Grèce, dont on nous dit qu’elle serait grosse du risque d’un krach obligataire à l’échelle mondiale !

La Grèce n’est pas la seule à «maquiller» sa dette

Maquillage de comptes ou habillage légal de bilan ? Sous le feu des critiques pour leur responsabilité dans la crise financière, les banques de Wall Street, Goldman Sachs en particulier, sont au coeur d’un nouveau scandale. Cette fois, il ne s’agit plus de «subprimes», ces crédits hypothécaires explosifs vendus à des ménages modestes, mais de produits financiers sophistiqués proposés à des Etats endettés pour enjoliver leurs comptes.

Encore une fois, la Grèce est au coeur de cette affaire. Mais le pays est, semble-t-il, loin d’être le seul à avoir eu recours à des astuces financières conseillées par des banques de New York et de Londres. Le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie le Portugal ont, eux aussi, «optimisé» leurs comptes avec l’aide de Goldman Sachs, JP Morgan, Barclays ou encore «feu Lehman Brothers».

Dans le cas grec, la très controversée Goldman Sachs aurait, selon la presse allemande et américaine, offert ses services à Athènes pour réduire, en 2001, ses déficits en utilisant des «swaps de devises». Un outil qui permet de se protéger des effets de changes en transformant en euros la dette initialement émise en dollars et en yens.

«Légal !», affirment les autorités grecques. Sauf que le taux de change utilisé ici aurait été exagérément favorable. Bilan de l’opération : 1 milliard d’euros de dette gommée pour le pays et 300 millions de commissions empochés par la banque.

«Ce serait une honte s’il s’avérait que les banques, qui nous ont déjà amenés au bord du précipice, ont également participé à la falsification des statistiques budgétaires de la Grèce», a réagi la chancelière allemande, Angela Merkel, mercredi 17 février.

La Grèce a-t-elle triché ? Peut-être, mais dans les faits, le savoir-faire des banques américaines a profité à de nombreux pays. «Il s’agit d’opérations naturelles, qui participent de la bonne gestion de la dette», assure un émetteur de dette souveraine en Europe. Les mécaniques sont variées. «Elles n’ont de limites que la créativité des financiers», indique un ancien haut responsable de banque.

L’Italie a fait partie des pays les plus friands de cette ingénierie financière. Le pays a notamment multiplié les opérations de titrisation de sa dette. Autrement dit, l’Etat a revendu au marché ses créances sous forme de titres financiers pour se débarrasser de sa dette. La Belgique, de son côté, a titrisé des arriérés fiscaux, se souvient un opérateur sur le marché de la dette : «C’était en 2006.» Le pays a ainsi évité d’emprunter de l’argent, faute d’avoir perçu à temps les sommes dues par les contribuables.

Certains Etats ont vendu de la dette indexée «sur un peu n’importe quoi», indique un opérateur de marché. Exemple : ces emprunts grecs émis en 2000, dont le remboursement des intérêts était adossé aux profits attendus de la loterie nationale !

«Quand on est «limite’’, on a forcément la tentation d’utiliser ces astuces-là pour essayer de réduire sa dette, commente René Defossez, stratège sur le marché des taux chez Natixis . Ce n’est pas très orthodoxe, mais ce n’est pas forcément contestable.»

La France n’a pas été pas absente du jeu. Le pays assure n’avoir jamais eu recours aux services de Goldman Sachs. «Nous ne faisons sans doute pas d’opérations assez «funky’’sur la dette française», indique-t-on au Trésor.

Mais jusqu’en 2002, le pays a utilisé des outils financiers complexes de couverture (des «swaps de taux») pour modifier les échéances de remboursements de sa créance. A première vue, grâce à ces artifices, tout le monde est gagnant. «Pour les Etats, ces opérations permettent de reporter la dette à plus tard. Et pour les banques, ce sont des promesses de marges juteuses», indique Emmanuel Fruchard, consultant en risques financiers. Les établissements empocheraient en moyenne 1 % voire plus des montants de dettes émis.

Sur ce «marché», les banques anglo-saxonnes ont été particulièrement actives et recherchées. Du fait de leur savoir-faire, mais aussi «en faisant miroiter un accès direct à des investisseurs étrangers comme des fonds de pensions», indique l’économiste Philippe Brossard, de l’agence Macrorama. Pour lui, «fignoler» de la sorte la structure des déficits publics n’est pas sans risque. Si l’Etat semble gagnant à court terme, il peut être contraint par la banque à rembourser des intérêts beaucoup plus lourds à long terme. Le New York Times raconte ainsi que le ministre grec des finances avait dénoncé, en 2005, l’opération de Goldman Sachs, se plaignant du fait que l’Etat devait rembourser de grosses sommes à la banque américaine jusqu’en… 2019. » En utilisant des outils sophistiqués, les Etats se rendent dépendants des banques, ajoute M. Brossard. Certains avaient traité avec Lehman Brothers et se sont inquiétés lorsque l’établissement a fait faillite.»

La « crise grecque », loin d’être finie, qui a menacé d’enflammer la crise européenne, n’est nullement une crise grecque mais la suite de la crise mondiale débutée aux USA. C’est aussi ce qui explique que la Grèce puisse être examinée à la loupe par le monde entier comme un test géant des possibilités et des risques, en particulier des risques sociaux si les travailleurs montrent leur combativité et débordent le cadre social imposé.

Elle est bien caractéristique de l’instabilité actuelle. En effet, l’économie grecque est une part minime de l’économie européenne et mondiale et il est remarquable que ses difficultés suffisent à faire peur au système mondial. On nous annonçait pourtant une confiance générale dans la reprise mondiale ! Maintenant, c’est l’inquiétude. Mais comment avoir des critères sérieux pour apprécier la situation du système ? Quels critères ? Quelles mesures ? Qu’en conclure ?

Quels peuvent être les instruments de mesure de cette crise ? Est-ce la richesse mondiale ? Mais la crise de 2008, comme celle de 1929, a eu lieu au plus haut sommet de la richesse mondiale. Les sociétés peuvent annoncer des niveaux de richesse qui n’ont rien à voir avec des biens réellement en possession. Les déclarations des Etats sur leurs fonds peuvent être tout aussi mensongers, comme on vient de le voir pour la Grèce. La richesse ne suffit pas à définir l’état du système ni celui d’un société.

Bien entendu, l’enrichissement reste le but du capital et l’accumulation du capital à un niveau élevé peut sembler une preuve de bonne santé mais, comme nous allons le voir, il n’est pas indifférent, pour l’état du système global, de savoir comment ce profit global s’est réalisé. C’est même le critère essentiel de bonne santé systémique.

En effet, les capitalistes peuvent, dans certaines phases, s’enrichir en développant l’économie, en investissant dans la production, dans le commerce, dans la distribution, dans les services, dans les installations et, ainsi, construire une certaine prospérité générale qui active d’autres activités économiques, multiplie la quantité de biens matériels, d’échanges. Mais ce n’est pas le seul moyen de s’enrichir en système capitaliste. A tout moment un capitaliste peut s’enrichir de manière prédatrice, en fondant sa fortune sur des faillites d’autres sociétés, sur des faillites d’Etats ou sur des spéculations fondées sur des chutes d’entreprises, de monnaies ou d’Etats.

Les spéculateurs gagnent autant à miser à la baisse qu’à la hausse. L’important pour eux n’est pas de développer la société mais de vendre à l’avance ce qui va chuter quitte à en provoquer l’effondrement comme d’acheter ce qui va monter, même si cela n’a aucune valeur réelle. Dans certaines phases du système, dites crises systémiques, la production d’investissements uniquement fondés sur des faillites, des pertes, des dettes, des ruines… est beaucoup plus rentable que les investissements parce que ces derniers se sont tellement accrus que leur rentabilité a massivement baissé, le recul économique est alors si général que miser à la baisse est bien plus intéressant que de miser sur la reprise.

On vient encore de voir un tel mécanisme dans la crise grecque puisque des capitaux massifs issus du monde entier ont joué la chute de l’euro et des économies européennes et ont tiré des fortunes de cette spéculation, les Etats choisissant de perdre des fortunes pour soutenir la monnaie. Les Etats enrichissent ainsi la spéculation ce qui est loin de la pousser à se calmer, bien au contraire.

Les mécanismes nocifs révélés par la crise de 2008 sont nombreux et ils sont loin d’avoir disparu depuis malgré l’intervention massive des Etats et la masse impressionnante de capitaux que ceux-ci on déversé. Une grande partie des capitaux mondiaux est investie dans la dette des Etats, particulièrement des USA. Une autre partie spécule à la baisse sur les économies menacées. Cela signifie qu’il est actuellement plus rentable, deux ans après la crise et malgré des centaines de milliards d’investissements des Etats, de couler une société, un pays, une monnaie que d’investir dans le développement économique.

La spéculation sur la dette des Etats n’est certes pas nouvelle mais elle a pris des proportions impressionnantes vis-à-vis des richesses totales produites et des capacités de remboursement réelles de ces Etats. Et ce n’est pas la seule spéculation sur la dette. Il y a la dette des sociétés, celle des organismes publics ou semi-publics comme les municipalités, les caisses sociales, les établissements centraux… On a vu en 2008 que la dette des individus pouvait être source de capital avec les subprimes.

Là encore, ce ne sont pas les seuls types d’investissements dits nocifs car leur développement provoque en chaîne une espèce de nécrose, comme lorsque la mort d’une cellule distribue tout autour des produits mortels pour les autres cellules qui elles-mêmes sont nécrosées. Il y a donc croissance exponentielle de la nécrose du capitalisme.

Pour la plupart des salariés, qui ne sont que consommateurs et pas investisseurs, cet enrichissement fondé sur des dettes comme celles des gens qui ne pouvaient plus payer les intérêts du prêt immobilier de leur maison, c’est quelque chose d’incroyable, du chinois. Peut-on ne fonder des affaires que sur des dettes ? Eh bien oui, dans le capitalisme actuel c’est le cas. Sarkozy n’a-t-il pas déclaré que la France n’allait rien perdre à prêter à la Grèce : qu’elle allait y gagner !!! Rien d’étonnant vu les taux usuraires des prêts à la Grèce et vu que ces prêts vont seulement servir à payer des dettes aux banques des pays extérieurs, notamment de la France…

Des entreprises comme Renault et PSA sont ainsi devenues des entreprises dont les PDG ne s’occupent plus de voitures mais d’investissements financiers, cette spécialisation ne les ayant pas empêché de voir leurs sociétés plonger lors de la crise des subprimes, car les banques des deux groupes avaient misé dessus. La crise de l’Automobile n’était d’ailleurs pas la conséquence d’une baisse des ventes venue plus tard mais de ces investissements nocifs. Ces capitaux « nocifs » ne se contentent pas de détourner la masse des capitaux d’investissements réels, ils augmentent le taux de profit et attirent sans cesse plus de capitaux. Ils sont attractifs en somme. Leurs sociétés qui pratiquent la création de capitaux nocifs s’enrichissent, si bien que toutes les sociétés et même toutes les banques et tous les Etats doivent y jouer. Le serpent se mord alors la queue. Le capitalisme est en train de se détruire lui-même !

L’ensemble des capitalistes sait parfaitement que tout le système est ainsi devenu un vaste château de cartes qu’un souffle peut demain emporter. Et la différence avec 2008, c’est qu’il n’y aura plus d’argent dans les caisses des Etats pour intervenir. Les causes de la crise de 2008, loin d’être supprimées, se sont aggravées et les moyens d’y faire face ont disparu. Un processus de nécrose en cascade est bel et bien enclenché même si nul ne peut dire à quel moment le volcan économique entrera en éruption, bloquant complètement cette fois le ciel économique.

Le capitalisme n’est pas différent des autres étapes de la civilisation humaine. Il a fini par atteindre ses limites. Le système capitaliste n’est pas plus éternel que l’empire incas, ou l’empire romain. Aux prolétaires du monde de faire en sorte que tout le capital de connaissances, de moyens, de biens ne parte pas en fumée, et, avant que le monde ne plonge dans les fascismes et les barbaries guerrières pour sauver la classe exploiteuse, de décider de donner une autre suite à l’histoire du capitalisme que la terreur généralisée.

La Grèce et le rôle criminel de la « gauche de la gauche »

Première victime de la crise de la dette publique, la Grèce est devenue depuis plusieurs mois le point le plus avancé de la lutte de classe au sein du continent européen. Les luttes de résistance des travailleurs et du peuple grecs contre la politique d’austérité, imposée par la troïka avec l’accord du gouvernement du PASOK, ont fait au demeurant un saut qualitatif avec la grève générale du 19 et 20 octobre derniers. Il en est découlé une crise ouverte du gouvernement de Papandreou, jusqu’à l’impossibilité de son maintien au pouvoir. Le dernier acte de sa présidence, une proposition de référendum retirée en quelques heures devant la colère des impérialistes européens, de même que la mise en place ultérieure du « gouvernement d’union nationale » avec Papademos à sa tête, témoignent tous deux de la tenaille qui détermine aujourd’hui la politique grecque : d’un côté, la puissante mobilisation populaire, et de l’autre la pression à la semi-colonisation du pays par les principales bourgeoisies européennes.

Comme l’écrit Stathis Kouvelakis : « Comment comprendre de façon plus profonde ce bouleversement spectaculaire du paysage politique, qui a vu en une dizaine de jours l’ex-Premier ministre Papandréou annoncer un référendum, se rétracter, gagner un vote de confiance au Parlement pour finalement démissionner et laisser la place à un gouvernement d’« entente nationale » aux ordres des financiers et de l’UE ? Précisons d’entrée de jeu ceci : contrairement à une impression largement répandue dans et par les médias internationaux, ce n’est pas l’annonce d’un référendum portant sur les décisions du sommet européen du 27 octobre qui a précipité les événements, mais la situation pré-insurrectionnelle dans laquelle la Grèce a plongé depuis les journées du 19 et 20 octobre et, de façon encore plus nette, depuis les émeutes qui ont accompagné les commémorations de la fête nationale du 28 octobre. C’est du reste précisément à cette situation que venait répondre l’initiative à haut risque, et qui s’est révélée fatale pour son sort, de Papandréou »

Face à une telle situation de convulsion sociale, aux souffrances inouïes auxquelles sont soumis les travailleurs et le peuple, à la bonapartisation du régime, à l’entrée de l’extrême droite dans le gouvernement, etc. la politique de la gauche grecque, qui a pourtant un poids considérable, est une véritable catastrophe. Que ce soit le Parti Communiste Grec (KKE) ou la coalition Syriza à laquelle participent des courants d’extrême gauche d’origine trotskyste et maoïste, tous manient « un discours radical, mais désincarné, en ayant avant tout l’œil sur les sondages [électoraux], qui créditent la gauche radicale de ses scores les plus élevés depuis les années 1970. Ils semblent se contenter de ce rôle de réceptacle passif de la colère populaire ».

Chercher à canaliser par la voie électorale la résistance à la plus grande offensive contre le peuple grec depuis la fin de la dictature des colonels en 1974, voilà la politique de la « gauche unitaire » en Grèce. Toutes proportions gardées, cela fait penser à la politique tragique mené par le Parti Communiste Allemand qui face à l’ascension de Hitler était tranquille et n’a nullement organisé la résistance « parce que le parti progressait en nombre de voix… ».

L’affrontement qui se déroule en Grèce est le même que celui qui a lieu sur toute la planète : ce n’est pas un affrontement des politiques de gauche ou gauche de la gauche et des politiques de droite, ce n’est pas un affrontement de la politique d’austérité et de la politique du développement, ce n’est pas un affrontement entre le capitalisme libéral et le capitalisme transparent et démocratique (qui n’existe pas), ce n’est pas un affrontement entre le capitalisme financier et le capitalisme productif (il n’existe qu’un seul capitalisme), ce n’est pas un affrontement entre le capitalisme propre et le capitalisme sale.

Ce qui fait que l’affrontement entre le Capital et le Travail devient critique, c’est le fait que le système d’exploitation a atteint ses limites. Il est parvenu à son point culminant et ne fait que stagner. Il faut de plus en plus de milliards de dollars des Etats et des banques centrales pour aider le fonctionnement économique et pallier à la défaillance du capital productif. La locomotive ne fonctionne plus et les moyens artificiels pour la pousser, pour pallier à sa défaillance, s’épuisent… Ce n’est pas que les finances publiques grecques qui s’écroulent, et pas que les finances publiques européennes, mais les finances publiques mondiales. Même la Chine est à bout de forces pour pallier à l’affaiblissement de son activité économique.

Il est plus que temps de cesser de raisonner entreprise par entreprise, secteur par secteur, pays par pays, région par région. Il n’est pas question de défendre l’Automobile, le Bâtiment, la Grèce, l’Europe. Il faut défendre une perspective mondiale, celle de la classe laborieuse de la planète, celle de la suppression de la propriété privée des moyens de production, celle de la suppression des Etats bourgeois, celle du socialisme !

Merci à : Robert Paris